12 Février 2024 : Journée mondiale de l’épilepsie / Interview du Pr. Mofou Belo, Spécialiste de neurologie et de neurophysiologie

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Extrait de l'article: L’épilepsie est une maladie neurologique qui touche, selon l’OMS, environ 50 millions de personnes dans le monde. Ce qui en fait l’une des affections neurologiques les plus fréquentes. L'épilepsie peut être traitée dans 70% des cas, mais les malades

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« L’épilepsie n’est ni une maladie honteuse, ni une maladie contagieuse. Lorsqu’on est épileptique, il faut consulter un neurologue pour la prise en charge de l’affection »

L’épilepsie est une maladie neurologique qui touche, selon l’OMS, environ 50 millions de personnes dans le monde. Ce qui en fait l’une des affections neurologiques les plus fréquentes. L'épilepsie peut être traitée dans 70% des cas, mais les malades et leurs familles peuvent être confrontés à la stigmatisation. À l’occasion de la Journée Internationale de l’épilepsie qui s’est déroulée le 12 février, le Spécialiste de Neurologie, Chef de Division de la Surveillance des Maladies Non Transmissibles, Pr. Mofou Bélo fait le point sur ce trouble neurologique qui se traduit par des crises, causées par un dysfonctionnement transitoire des cellules nerveuses cérébrales.

Santé-Education : Qu’est-ce que l’épilepsie ?

Pr. Mofou Bélo : L’épilepsie est une maladie neurologique qui a des manifestations diverses avec des crises généralisées et des crises partielles. Cependant, ce sont les crises généralisées qui sont les plus connues : l’individu tombe, se roule par terre avec des pertes d’urine et des morsures de langue, suivi d'un coma. Dans de très rares cas c’est une maladie familiale ; mais elle peut être acquise aussi. On parle de causes génétiques et des causes acquises pour l’épilepsie.

Quelles sont les causes de l’épilepsie ?

Les causes acquises : elles peuvent survenir le plus souvent après la naissance de l’enfant. On peut citer les souffrances de la période néo-natale ; les infections du cerveau et les traumatismes. Quant aux causes acquises à l’âge adulte, ce sont essentiellement les traumatismes, les infections, les tumeurs et les AVC, les accidents de la route sans port de casque où l’individu se traumatise la tête. Les accidents vasculaires cérébraux, certaines maladies infectieuses ou parasitaires, la consommation d'alcool en excès ou de drogue sont les principales causes chez l'adulte.

Les causes génétiques : dans une famille où le papa, la maman ou même un ancien grand parent a été épileptique, après des générations, l’affection peut revenir.

Quels sont les signes reconnaissables de l’épilepsie ?

Les manifestations sont généralement de deux ordres : les manifestations des crises généralisées et celles des crises partielles.

Les manifestations généralisées : Elles sont plus spectaculaires et sont les plus connues. Elles se manifestent par une perte de connaissance avec chute, des mouvements convulsifs et parfois des morsures de langue et perte d’urine.

En outre, on peut citer les absences qui se manifestent par une suspension brève de la conscience. Pendant quelques secondes l’individu est là en face mais perd tout contact avec l’environnement pendant quelques secondes.

Les crises partielles : elles se localisent à une partie du corps. Elles peuvent se traduire par des troubles moteurs, des troubles sensoriels et sensitifs (sensation de fourmillements sur le corps) et des troubles de la mémoire ou de la conscience.

Cependant, il existe d’autres manifestations pour les crises épileptiques. Parfois, c’est des douleurs abdominales récurrentes qui surviennent de façon brutale et pendant un temps relativement court.

Comment savoir qu’on est épileptique ?

Ce sont les manifestations qui vont amener le patient lui-même ou son entourage à aller en consultation. Et c’est après l’examen de l’électro-encéphalographie qu’on retrouve des éléments caractéristiques de la crise qu’on le saura. Dans d’autres cas le scanner et l’IRM permettent de préciser la cause de l'épilepsie.

Quels sont les facteurs favorisants les crises d’épilepsie ?

On peut être épileptique sans le savoir. Cependant, les facteurs favorisant les crises, quand on est épileptique sont nombreux : une dette de sommeil, la consommation de la drogue, de l’alcool. Parfois la pratique du sport qui demande une forte respiration peut déclencher la crise chez l’épileptique. De même les stimulations lumineuses comme les jeux de lumière en boîte de nuit, certaines images à la télé, les environnements trop bruyants, l’anxiété, l’angoisse peuvent favoriser la survenue de crises épileptiques. D’autres facteurs comme la peur, la faim et l’hypoglycémie ne sont pas négligeable.

Quelles sont les personnes prédisposées ?

N’importe qui peut faire l’épilepsie, surtout l’épilepsie secondaire ou acquise. Il faut retenir que ceux qui consomment la drogue sont plus prédisposés. Ceci du fait que la drogue fragilise le cerveau.

L’épileptique est-il un déficient mental ?

Certainement pas. Il existe des épileptiques très intelligents et même plus intelligents que les personnes apparemment saines. Mais il faut dire que dans la forme acquise, la mémoire peut être altérée.

Quelle est situation de la maladie au Togo ?

Les données à notre disposition sont hospitalières. En 2022, 5373 personnes avaient consulté pour épilepsie et en 2023, 4815. On sait qu’il y a une grande partie des épileptiques se traitent eux-mêmes, vont chez les guérisseurs, les pasteurs.

Peut-on guérir de l’épilepsie ?

Dans sa forme génétique, elle finit par disparaître dans la majorité des cas toutes seules à la puberté. Mais, il arrive que l’individu refasse des crises un jour si le facteur déclenchant revient. Dans les formes acquises, on vit avec l’épilepsie durant toute sa vie. Par exemple pour une épilepsie qui survient à la suite d’un traumatisme crânien, on prend le traitement toute la vie.

Quelle est la fréquence de survenue des crises ?

La crise épileptique diffère d’un patient à un autre. Il y en a qui font une crise mensuellement, d’autres en font occasionnellement c'est-à-dire une fois l’an et d’autres encore le font des centaines de fois par jour. Dans ce dernier cas, cela veut dire que soit l’individu n’est pas traité, soit il ne prend pas les médicaments régulièrement ou encore que les facteurs favorisant la survenue des crises sont mal maitrisés.

Y a-t-il des interdits alimentaires pour l’épileptique ?

L’épileptique peut tout manger. Seulement, l’alcool ainsi que les excitants sont à éviter. Nous entendons souvent dire que l’épileptique, ne doit pas manger du gombo, d’adémè, du manioc, etc. Ce sont de fausses croyances certainement. L’épileptique peut vivre comme tous les autres. Ce qu’il lui faut, c’est de bien dormir, de prendre les médicaments aux heures fixes et de manière régulière, d’éviter les facteurs favorisants, de revoir régulièrement son médecin.

Tous les métiers sont-ils bons pour les épileptiques ?

Non. L’épileptique ne doit pas faire les métiers d’arme : la police, la gendarmerie, l’armée, etc. Il doit éviter aussi les métiers de l’aviation, la maçonnerie, la menuiserie, bref tous les métiers qui amènent en hauteur. Il doit éviter de conduire les motos et les automobiles et aussi certains sports comme la natation, les courses de fond. Il peut par contre, pratiquer la marche normale et lente.

Un conseil général

L’épilepsie n’est ni une maladie honteuse, ni une maladie contagieuse. Lorsqu’on est épileptique, il faut consulter un neurologue pour la prise en charge de l’affection. Je conseille à toute personne qui se sait épileptique d’avoir toujours sur elle une carte sur laquelle on peut lire les informations suivantes : « je suis épileptique, je prends tel ou tel médicament ; si je fais une crise, emmenez-moi voir mon médecin de tel nom et à tel numéro ». Cette carte est importante car elle permet, en cas de crise dans la rue de sauver la vie de l’épileptique. Sortons nos épileptiques de l'ombre afin qu'ils vivent normalement, sans complexe se faire traiter.

Propos recueillis par Abel OZIH