Addiction au sucre : Entretien avec Docteur Essoreke Tchaou, Nutritionniste-Diététicien

Addiction au sucre : Entretien avec Docteur Essoreke Tchaou, Nutritionniste-Diététicien
Extrait de l'article: Le nutritionniste-Diététicien Essoreke Tchaou martèle que l’abondance de produits très riches en sucres ajoutés expose l’organisme à un risque réel d’addiction. Le sucre rend-il addict comme pourraient le faire les drogues ? Que se passe-t-il dans le

« Attention, le ­sucre présente un ­potentiel addictif aussi important que l’alcool ou la cocaïne » 

Le nutritionniste-diététicien Essoreke Tchaou martèle que l’abondance de produits très riches en sucres ajoutés expose l’organisme à un risque réel d’addiction. Le sucre rend-il addict comme pourraient le faire les drogues ? Que se passe-t-il dans le cerveau lorsqu’on en consomme ?

Santé-Education : Peut-on parler de dépendance au sucre comme à une drogue ?

Dr Essoreke Tchaou: Absolument. Il faut rappeler ce que sont les deux sortes d’addiction, l’une avec substance, et l’autre sens, c’est-à-dire comportementale - comme l’addiction aux jeux vidéo, les achats compulsifs, etc. Dans les deux cas, l’élément central concerne la perte de contrôle de soi, qu’il s’agit d’identifier en fonction d’une série de critères diagnostiques.

Par exemple, le désir impérieux, irrépressible et intrusif de consommer une substance. Ou bien le désir ou les efforts persistants pour mettre un terme à une consommation ou pour la limiter - un critère très souvent présent. Ou encore le fait de consommer plus que voulu : par exemple, pour l’alcool, c’est la personne disant qu’elle va boire un ou deux verres, et qui descend finalement deux à trois bouteilles. Pour en revenir au sucre, on coche tous ces critères.

Le sucre influence les circuits cérébraux de récompense d’une manière similaire à celle observée lors de la consommation de drogues. Après seulement 12 jours de consommation de sucre, nous pouvons constater des changements majeurs dans les systèmes dopaminergiques et opioïdes du cerveau. En fait, le système opioïde, qui est la partie du cerveau associée au bien-être et au plaisir, était déjà activée dès la première prise.

En quoi l’addiction au sucre se distingue-t-elle d’autres types d’addiction ?

La différence tient justement aux critères diagnostiques : plus ils sont nombreux, plus la dépendance est prononcée. On juge qu’une addiction est faible quand elle coche de deux à trois critères, modérée de quatre à cinq critères, et sévère quand six critères et davantage sont présents. Pour le sucre, de même que pour l’alcool ou le tabac, la majorité des personnes affectées présentent une addiction modérée. La question du sevrage est un élément important : se passer de sucre est sans commune mesure avec le sevrage à l’alcool ou aux opiacés, mais cela peut varier selon les individus.


Et surtout, nos études et beaucoup d’autres ont montré et alerté : attention le sucre présente un potentiel addictif aussi important que celui des drogues les plus addictives chez l’homme entre autres alcool, cocaïne, héroïne, méthamphétamine. On sait maintenant que la consommation chronique et prolongée de sucre entraîne, comme pour d’autres drogues, des modifications biologiques durables dans le cerveau.

Comment a-t-on compris que le sucre était une substance problématique ?

La prise de conscience du problème date d’une petite dizaine d’années. On a constaté que l’épidémie d’obésité était liée à un changement radical de l’environnement alimentaire, avec l’abondance de produits industriels riches en sucres ajoutés, y compris les sodas. Et l’on a, alors, suspecté une perte de contrôle addictive chez une partie des surconsommateurs de sucre. Avec plusieurs pistes pour l’expliquer.

Dans la nature, où a évolué notre espèce humaine, on trouve des fruits qui contiennent peu de sucre, alors que l’industrie permet de fabriquer des produits très concentrés. Notre organisme n’est pas préparé à ces fortes doses, et l’on peut faire un parallèle avec l’émergence de l’alcoolisme, qui date de l’invention des alcools forts, ou bien l’addiction à la cocaïne, absente au temps de la consommation des feuilles de coca.


De plus, notre organisme n’est pas apte à métaboliser de façon optimale le sucre sous forme liquide, celui proposé dans les produits de l’industrie agroalimentaire. Enfin, il n’y a pas de « gras et sucré » dans la nature. Or, cette association crée un stimulus gustatif puissant : une étude de neuro-imagerie vient d’ailleurs de montrer que le sucre couplé à du gras amplifie le signal d’activation du circuit de la récompense dans notre cerveau.

Propos recueillis par Abel OZIH

Auteur
sa
Rédacteur
Abel OZIH

Le nutritionniste-Diététicien Essoreke Tchaou martèle que l’abondance de produits très riches en sucres ajoutés expose l’organisme à un risque réel d’addiction. Le sucre rend-il addict comme pourraient le faire les drogues ? Que se passe-t-il dans le

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